ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – ALBERT DEQUEANT DU CANTON DE VITRY-EN-ARTOIS

Né le 5 mai 1889, Albert DEQUEANT est le fils de François DEQUEANT et d’Hortense MARTEL.

François et Hortense se sont mariés en 1878 à Vis-en-Artois, village d’où est originaire la jeune épouse. Quant à François, il est né dans le village voisin d’Haucourt.

François et Hortense s’installent dans une petite maison, Route Nationale à Vis-en-Artois. La commune qui se trouve dans le canton de Vitry-en-Artois, entre Arras et Cambrai, compte environ 800 habitants à la fin du XIXe siècle. L’activité y est essentiellement agricole. Une fabrique de sucre et une distillerie emploient de nombreux ouvriers.

La famille DEQUEANT s’agrandit rapidement. Hélas, la mortalité infantile la frappe lourdement. Cinq des enfants mis au monde par Hortense meurent en bas âge, n’ayant vécu que de deux mois à cinq ans. Les sept qui survivent au-delà de la petite enfance se nomment Désiré né en 1878, Jules en 1880, Isabelle en 1882 , Léon en 1884, Alice en 1886, Albert en 1889, François en 1893 et Amélie en 1896. 5 garçons et 2 filles.

La vie n’est pas toujours simple. François, le père, est journalier, allant de ferme en ferme et de fabrique en fabrique. Il n’est pas avare de ses heures de travail mais les quelques sous rapportés ne suffisent pas à nourrir correctement ses enfants. Les garçons doivent rapidement trouver du travail et quand le gîte et le couvert peuvent être offerts, c’est encore mieux ! Les aînés, Désiré et Jules, deviennent domestiques de ferme. Les suivants les imitent ensuite devenant journaliers agricoles ou ouvriers de fabrique selon les saisons et les besoins des employeurs de la commune.

A 20 ans, Albert DEQUEANT est jugé apte par le Conseil de Révision de Vitry. Il est affecté au 79e Régiment d’Infanterie de Nancy où il effectue ses deux années de service militaire et obtient, à la libération, un certificat de bonne conduite. Ses frères aînés ont aussi rempli leur devoir patriotique avant lui. Désiré a effectué son service au 33e RI d’Arras, Jules au 84e RI d’Avesnes-sur-Helpe, Léon au 155e RI à Commercy.

A son retour, Albert DEQUEANT reprend une activité d’ouvrier agricole. Ses parents habitent maintenant avec les plus jeunes des enfants dans la commune voisine d’Haucourt.

Le 1er août 1914, l’ordre de Mobilisation générale est affiché dans la commune. François, le plus jeune des frères DEQUEANT, est déjà sous les drapeaux. Classé au service auxiliaire du 26e RI puis affecté à la 24e Section de Commis Ouvriers et Administratifs en raison de son astigmatisme hypermétropique, François DEQUEANT ne devrait pas se retrouver sur les champs de bataille. Mais qu’en savent ses parents ? La guerre est déclarée et leur fils cadet porte déjà l’uniforme.

Le 2 août 1914, deux des quatre autres garçons en âge d’être mobilisés doivent partir. Désiré rejoint le 3e Régiment d’Infanterie Territoriale et Albert le 72e RI d’Amiens.

Les deux autres frères quitteront leurs familles quelques jours plus tard. Jules est convoqué le 20e jour de la mobilisation et Léon part le 12 septembre 1914.

Six semaines après le début de la guerre, les 5 fils de François et d’Hortense DEQUEANT sont partis.

Le 2 août 1914, Albert DEQUEANT est dans le train en direction d’Amiens. Nombreux sont des jeunes hommes du canton à effectuer le déplacement vers la capitale picarde où beaucoup n’ont jamais mis les pieds avant. Les jeunes hommes des Classes 1908, 1909 et 1910 sont jugés opérationnels par l’état-major militaire. Ils seront affectés immédiatement avec les unités de l’Armée active et participeront aux premiers combats. Pour l’instant, ils doivent rejoindre les casernes amiénoises pour y être habillés et équipés. Le départ vers l’Est de la France sera ensuite imminent.

Pourquoi ont-ils été incorporés au 72e RI ou au 128e RI, deux des principaux régiments d’infanterie de la Somme ? Ils n’en savent rien. Mais l’heure n’est pas à la contestation. Les journaux prédisent que la guerre sera courte. Il faut donc servir la patrie et accepter les décisions des officiers recruteurs.

Parmi les passagers du train, Albert a la bonne surprise de retrouver plusieurs copains du canton avec lesquels il a passé deux années à Nancy, au 79e Régiment d’Infanterie. La vie de caserne a tissé de nombreux liens. Parmi eux, il retrouve Fernand BRIFFAUT de Cagnicourt, Paul COUTANCE de Sailly-en-Ostrevent, Charles GROLEZ de Biache-Saint-Vaast et Guislain VAILLANT de Vitry-en-Artois, le chef-lieu de canton. Ils sont aussi affectés au 72e RI et rejoignent la caserne Friant d’Amiens.

Le 5 août, un autre train les emmène d’Amiens vers Dun-sur-Meuse, à quelques kilomètres de la frontière belge. Les premières troupes allemandes viennent d’entrer sur le territoire de la neutre Belgique en direction de la France. De prochains affrontements entre Français et Allemands deviennent inévitables.

Le 22 août, le 72e RI, positionné dans le secteur de Virton, est relativement épargné. Mais les hommes du 72e savent qu’ils ont eu de la chance et que cette chance risque un jour de les abandonner. Dans le sud du Luxembourg belge, les morts se comptent par milliers. En une seule journée de combat !

Pendant la retraite de l’Armée française, le 72e RI traverse le haut du département de la Meuse puis celui des Ardennes du Nord au Sud. Les combats de fin août à Cesse, près de Stenay, puis à Buzancy dans les Ardennes provoquent plusieurs dizaines de pertes dans le régiment. Les 5 gars de la Classe 1909 du canton de Vitry-en-Artois ont été épargnés.

Les régiments du 2e Corps d’Armée d’Amiens prennent position, début septembre, dans le secteur situé entre Vitry-le-François et Saint-Dizier. Les hommes du 72e RI sont sur le territoire des communes de Pargny-sur-Saulx et Maurupt-le-Montois. Le 6 septembre débute la Première Bataille de la Marne. Les deux armées ennemies s’affrontent. Toutes les forces opérationnelles sur le Front Ouest ont été rassemblées. Plus d’un million d’hommes de chaque côté. Les combats sont terriblement meurtriers.

Placés au départ pour protéger les ponts sur les rivières de la Saulx, de l’Ornain et du canal de la Marne, les hommes du 72e RI ne peuvent résister longtemps. Ils sont peu à peu chassés du village de Pargny puis se retrouvent en grande difficulté à Maurupt. Les morts et les blessés se comptent par milliers dans ce secteur du Sud de la Marne. Le 72e RI est décimé.

Albert DEQUEANT et Guislain VAILLANT ont disparu. Quelques jours plus tard, sans avoir retrouvé leurs corps, l’Armée les considèrent comme « tués au combat ».

Pour les rescapés, le traumatisme est violent. Ceux qui ont disparu étaient loin d’être des inconnus.

Le 72e RI rejoint mi-septembre la forêt d’Argonne où va débuter pour toutes les unités une guerre de position, une guerre de tranchées.

Dans le Bois de la Gruerie, Fernand BRIFFAUT est tué le dernier jour de l’année 1914. Une année tellement meurtrière…

Paul COUTANCE et Charles GROLEZ meurent à quelques heures d’intervalle, début avril 1915, dans le secteur de Maizeray, dans la Meuse, où le 72e avait pris position depuis peu.

Mais l’effroyable guerre ne tue pas que les copains. Elle tue ou elle abîme les proches. Chez les DEQUEANT, deux des cinq garçons ne sont pas revenus. Albert est mort dans la Marne en septembre 1914 et Jules, son frère aîné, est mort de ses blessures en juin 1915 dans la Somme.

Désiré, l’aîné de la fratrie a été fait prisonnier dès le début du conflit. Il n’a été rapatrié d’Allemagne qu’à la fin de l’année 1918. François, le plus jeune des frères DEQUEANT, n’a pas été envoyé au combat. Sa mauvaise vue lui a peut-être sauvé la vie. Réformé, il a été affecté à la Poudrerie nationale de Sevran. Il a été démobilisé en 1919. Quant à Léon, sont statut de père de six enfants lui a permis d’éviter le pire. Il a évité les champs de bataille et a été renvoyé dans ses foyers au printemps 1915.

Les 3 frères survivants ne sont-ils pas aussi des victimes de guerre ? Rescapés et vivants alors que deux de leurs frères et de nombreux copains du village sont morts…

Quant aux parents, la question ne se pose pas. La pauvre Hortense, qui avait déjà vu mourir cinq de ses enfants en bas âge, a perdu deux de ses garçons en pleine force de l’âge. Hortense n’a pas survécu à la guerre.

Article rédigé par : Philippe DEGROOTE et Xavier BECQUET

PUBLIÉ LE 31 Juil 2022 par delasommeabellefontaine

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